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Journal de citoyen bordelais déconfiné

Journal de citoyen bordelais déconfiné

Chronique d'humour parfois noir sur la crise de la Covid-19 (20, 21, 22...) et pour oublier la guerre nucléaire à nos portes


Les rendez-vous d’Henri

Publié par Fred Desk sur 22 Avril 2020, 22:59pm

Les rendez-vous d’Henri

S1E37 ou -19 !

 

Le déconfinement sera progressif et les déplacements entre les régions seront limités dans un premier temps. Heureusement, la Nouvelle-Aquitaine est la plus vaste et recèle d’idées de sorties. Par exemple, seul monarque à qui l’on ne couperait pas la tête dans le sud-ouest, Henri IV a laissé sa trace toute gasconne dans l’Albret de ses jeunes années. Il n’y a qu’à suivre les relais de chasse à "cour".

 

En 1589, Henri IV devient roi de France et Nérac est la capitale du royaume. Le souverain fait de la lande désolée, qui s’étend à perte de vue et où vit un peuple obscur de charbonniers et de bergers, sa terre de chasse royale exclusive. Aujourd’hui, le pays est resté très giboyeux, et c’est l’incontournable repère des chasseurs de palombes. Mais le paysage a complètement changé : les pins ont limité l’horizon. Pourtant, au détour d’un chemin et au milieu de nulle part, ce pays austère et secret révèle des écrins architecturaux cernés par la végétation.

 

Ce sont les relais de chasse d’Henri, également appelés "rendez-vous", ce qui semble fort à propos. En effet, des légendes colportées à travers les siècles parlent de maîtresses et de bâtards du roi, nés des aventures de celui qui fut surnommé "le Vert Galant". De nos jours, le canton d’Houeillès est le seul coin d’Aquitaine qui continue à se dépeupler. Il est vrai qu’Henri n’est plus là ! Mais ceux qui restent sont toujours disponibles pour raconter avec un bel accent chantant une histoire sur l’homme illustre… et pour dire que si le Marseillais exagère, le Gascon, lui, enjolive.

 

Ainsi, en vous rendant à Cap Chicot, pensez à la légende de la Belle Charbonnière : une nuit, un cavalier égaré frappa à la porte d’une masure habitée par un charbonnier appelé Cap Chicot. L’inconnu prétendait venir du Béarn pour assister le lendemain à l’entrée du roi au château de Durance. Cap Chicot et sa femme lui offrirent l’hospitalité pour la nuit. Au matin, le charbonnier se leva pour s’occuper de ses bêtes, mais ce n’est que beaucoup plus tard que le Béarnais le rejoignit. Le charbonnier apprit l’identité royale de son hôte une fois arrivé à Durance. Le roi fit construire peu après le manoir aujourd’hui caché derrière l’airial. Une précision : le charbonnière eut un fils.

 

Le renard dans le poulailler

 

Après l’amour, la guerre : tout près de Cap Chicot, Tour Neuve fut un relais de chasse dont le donjon atteste l’usage belliqueux. Sur l’horloge de la gare voisine, le temps s’est suspendu à 1h22. C’est peut-être pour cela que les hourds de la tour sont parfaitement conservés. Cruel dispositif défensif du XIIIème siècle, il permettait de faire pleuvoir des projectiles sur les assaillants au moyen de planches amovibles. Comme dans beaucoup de constructions de la lande, les bâtisseurs se sont servi de la pierre d’alios ferrugineuse qui donne par son imperméabilité naissance et couleur rouille aux innombrables cours d’eau de la région.

 

Charme suprême, certains rendez-vous de chasse d’Henri sont sur les bords du Ciron et de l’Avance, dont les sources sont proches. Avec un peu de patience, on peut surprendre dans la brume un chevreuil qui vient s’y abreuver. À la Tour d’Avance, halte templière dans une clairière au coeur de la forêt domaniale de Campet, l’église est devenue écurie d’Henri et aujourd’hui demeure confortable. Il faut être très aimable pour être autorisé à gravir la tour-escalier ronde. À Durance, bastide du XIIème siècle, il ne reste que les écuries du château du célèbre chasseur. Portes de la ville, tours, vieilles maisons, église et ancien prieuré, malheureusement en mauvais état, attestent d’un passé glorieux et suscitent la mélancolie.

 

Ce sentiment se transforme en dépit en découvrant les chenils à deux pas de Casteljaloux. Au débouché d’un sentier discret, près d’une résurgence de l’Avance, une bâtisse chargée d’histoire tombe en ruines. L’humidité règne, les fortifications sont envahies par la végétation et les murs en torchis dépérissent. La plupart des gens du pays ne savent pas quelle était la nature de ces lieux, il y a de cela trois cents ans. L’isolement et l’oubli ont pris les relais. "Tout s’est écroulé dans la nuit éternelle, comme le droit divin". Cette évocation de la démolition partielle du château de Nérac pendant la Révolution s’applique aussi à tous ces lieux de mémoire qui mériteraient un autre sort. Sinon, comment pourront survivre les légendes qui transforment chevauchées et chasses en transports amoureux et rendez-vous galants ?

 

FD

 

Pour s'y rendre : les relais de chasse se trouvent de part et d'autre de la route Marmande-Mont-de-Marsan, à environ 100 km de Bordeaux. Prendre l'A 62 Bordeaux-Toulouse, sortie Marmande, la D 933 direction Casteljaloux, puis Houeillès. À voir aussi, les églises de Lugues (terme sacré en celtique), fortifiées pendant la Guerre de Cent Ans, autour des sources du Ciron : Pompogne, Pindères, Sauméjan, Allons, Houeillès, Boussès ; les plus magiques : Gouts, Jautan et Arx (n'hésitez pas à demander votre chemin, elles sont parfois bien cachées !) Et bien sûr, le Château-Musée Henri IV à Nérac, traversée par la Baïse !

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