Samedi. Enfin, plutôt dimanche entre Hauts et Île de France. Lendemain de non-victoire. Je serai donc plus bref. Putain, c’est pas passé loin ! Trois points d’écart. Revenons à hier matin. La journée avait bien commencé, sauf que mon vieux pote ronflait. J’ai donc bu des cafés à l’aube offerts par l’adorable veilleur de nuit sur la terrasse de l’hôtel, rejoint par une Perpignanaise bavarde et accentuée. Son mari dormait encore, il est Béglais aux Terres Neuves pour six mois de taf, le couple est venu pour un mariage reporté sine die l’an dernier par l’interminable crise internationale. L’époux et Cédric ont fini par se réveiller et descendre petit-déjeuner. Flo, la femme de Ced, veut qu’il lui ramène du Pastador, la pâte à tartiner de son enfance. Il n’y en a pas à Auchan, les jeunes employés d’été ne connaissent pas cette antiquité séculaire, mais on en trouve sur Internet. Moi, je veux des clopes, les miennes n’existent pas à Tourcoing, au tabac « Au fumeur » (et merde aux autres), je prends des Dunhill bleu comme Bertrand. Un passage à Saint-Christophe (d’Urios, bien sûr), pas d’eau bénite, beaux vitraux, un cierge brûle déjà. L’église évangélique distribue des flyers « La prière change tout », je prends, au cas où cela marcherait. Il y est aussi écrit « Viens et vois ce que Dieu fait ». Des pronostics ? On déconne sur les affiches des élections. Ici, ils sont moins cons que nous, ils ont fait l’union de la gauche. Impossible de rentrer dans la chambre, la carte déconne aussi. L’apprentie Sharon (comme en Amérique) qui a remplacé le sympathique veilleur est démunie, mais nous pouvons au final effectuer une sieste du matin, surtout ma pomme. Et je ronfle également, à ce qu’il paraît.
Métro Tourcoing centre, direction mairie de Lille. Le Vieux-Lille, la cathédrale, l’opéra, le célèbre hôtel Carlton des parties fines de DSK avec Dédé la Saumure (amusé, Cédric prend le bâtiment luxueux en photo, moi aussi), la belle pâtisserie Méert (excellente, mais trop chère), le beffroi, la Grand-Place. Parmi les passants, davantage de supporters du onze tricolore qui joue l’après-midi chez l’équipe hongroise, dite de second rang, que de l’UBB ou du Stade. De jolies filles, dont une sortie de nos rêves les plus fous, mais qui le sait bien et en joue, la coquine, on se venge sur une crêpe au maroilles pour tenir tout l’aprème. Un bar taille XXL pour mater le foot, il s’appelle le Soho. Come on, come in London ! Des écrans partout, on monte au premier étage, une serveuse avenante, comme presque tous les Nordistes, nous dit « s’il vous plaît » tout le temps, me sert une IPA Anostéké du Pays Flamand, Cédric prend un Perrier citron (décidément, il est fou), un match chiant comme une conf de presse de Dédé Deschamps, je décide de faire une balade jusqu’au LOSC Store pour faire passer la seconde mi-temps crispante à Budapest. Je prends un petit ballon et un porte-clés du champion de France pour mon fils et ma fille. Ils s’en foutront un peu, mais cela me fait plaisir quand même. C’est le geste qui compte, paraît-il.
Erreurs d’appréciations
Vient alors l’heure du départ depuis Lille Flandres vers le stade Pierre Mauroy à bord du Val sans conducteur (comme à Toulouse, con !), ligne 1. En déambulant longuement vers l’arène dans la douceur de la fin d’après-midi, nous faisons quelques pas et autres plaisanteries avec un cordial couple rochelais venu assister à la deuxième demie en toute décontraction. Pour eux, c’est dans la poche, les jaunes et noirs du 17 ont déjà leur billet pour la finale à Paris. L’avant-match : des abords minéraux et commerciaux, comme à l’approche du Matmut Atlantique, des buvettes aux couleurs de Toulouse, nous décidons de les contourner ainsi que l’enceinte pour rejoindre enfin un estaminet investi par les Unionistes (« Le Temple ») et quelques Clermontois égarés avec leurs anciennes certitudes et des billets achetés trop tôt. En superstitieux de circonstance, je porte les mêmes vêtements que la semaine dernière contre l’ASM à Lescure, France 3 nous filme, ça nous fait sourire et ça fera parler au retour dans les chaumières béglaises. Cédric va voir l’arrivée du bus. Je n’y vais pas, c’est pareil, je n’y étais pas la semaine passée, je ne veux pas porter la poisse. Il revient et me dit que Fonfon, l’ancêtre et l’âme du club, l’a vu et reconnu. Je prends un sandwich au comptoir et bois une pinte plastique de bière locale, mon pote décline la proposition de se désaltérer avec un breuvage au délicieux houblon belge. Le pauvre, voilà qu’il a la migraine. À 19 heures 45 minutes précises, nous sommes autorisés à entrer dans le stade avec nos QR codes anti-covide, les joueurs sont à l’échauffement devant nous, les nôtres à dix mètres. En face, eux, les autres, les Hauts-Garonnais.
Nous connaissons tous le film et l’issue du reste de la soirée, c’est passé à la télé, je n’en dirai pas davantage. Notre centre samoan Seuteni s’est fait expulser en seconde mi-temps au moment où la flamboyante UBB prenait l’ascendant sur des Toulousains gestionnaires, pour un choc spectaculaire mais pas si grave sur le petit N’tamack. Ce dernier s’est relevé pour fêter la victoire des siens. Un autre arbitre aurait pu mettre seulement un « jaune ». Le concurrent du fils de en sélection nationale, Mathieu Jalibert, a fait un bon match, comme le reste de notre équipe. Pourtant, cela n’a pas suffi face aux champions d’Europe. Je pense à ma compagne, elle doit avoir la rage, derrière le Dorat. Cédric est allé serrer la pogne des joueurs abattus et meurtris par l’intensité du match, ses aléas et son suspense. Ils sont venus saluer calmement leur public, nous avons tous la mine déconfite, mais fière. J’aperçois mon pote Clément, le talonneur au grand coeur et à la tête bien faite, j’ai trop les boules pour lui. Je lui enverrai un sms, il me répondra « on y reviendra ». Et oui, té ! Si, faisons une dernière biscoueyte, au retour, dans le métro (vingt stations, c’est long comme Musard-Le Lac en tram), des chants de rugby sont repris par tous les rubipèdes réels ou improvisés, on se remet à rigoler franchement avec un animateur anonyme talentueux et déconneur comme un Gascon. Allez ! Jubilons, ce n’est pas si grave. À « l’arvoyure », avec l’accent ch’timi, bin sûr, mon p’tit quinquin(ze) !
Finfred
PS : J’ai retrouvé quelques jours plus tard un ticket de CB dans ma poche, daté du 19 juin et d’un montant de 11,50 €, estampillé créditagricole-norddefrance, où le nom de la société était « Au rêve ». Je l’ai modifié en « Du rêve à la réalité », ce sera pour la prochaine saison. Après les vendanges.