Bonjour à toutes et à tous,
Plus de 7 mois après, me revoici à bloguer pour ceux qui voudront bien me lire (et commenter stp !)
Pour commencer, alors que nos amis rugbymen ont manqué de "couilles" (dixit leur entraîneur au gros bidon) hier au stade Aguilera, je reviens sur la demi-finale du dernier Top 14, à laquelle j'ai assisté. Bonne lecture et à bientôt, ici ou ailleurs !
RETOUR VERS LE... - TA GUEULE !
Vendredi 18 juin 2021, 16h59 à la gare Saint-Jean : les vétérans de Victor Louis, Ced et Fred, répondent à l’appel du Ouigo to support the You-Be-Be in Lille-Roubaix-Tourcoing. C’est loin, et alors ? Il fait chaud, et alors ! Trente ans après le Brennus du CABBG au Parc, une demie contre le Stade mérite bien ce périple vers les Hauts-de-France. Angoulême, Poitiers, Saint-Pierre-des-Corps, Massy, Marne-la-Vallée, Charles-de-Gaulle, Haute-Picardie, c’est « la voie du Nord », comme le titre le Midol. Sept arrêts, même pas buffets. Le wagon est à nous, car la clim est en croix et les petites natures sont montées rejoindre l’espace tempéré. Nous, on ne bouge pas, et puis c’est tout. L’arbitre de train distribue des Cristalines fraîches en se confondant en excuses et en sueur, il nous fait dix-pour-cent. C’est le prix d’une bière à « VD », Villeneuve d’Asq. Domi, resté auprès de Musard, nous envie et attend les compos de pied ferme. Bert, qui le soutiendra ou pas demain soir, nous appelle les « FredRic », nous sommes les émissaires plénipotentiaires, les aventuriers du rail, les éternels abonnés de l’ovalie béglaise. Cédric file la métaphore : « On part à la mine ! » Fier de ma trouvaille hebdomadaire, je répète à l’envi la galéjade : « UBB allez allez allez, retour retour retour ! »
La composition de l’Union bordelo-béglaise est tombée : elle est belle, comme les longs cheveux fauves de cette cheminote au calot d’un autre âge qui se presse sur le quai poitevin, sans doute pour débaucher avant l'heure. Même le banc (de l’équipe, pas de la gare) a fière allure. Du côté de la ville rose et de Matabiau, on est d’accord avec nous-mêmes, « ils n’en ont pas, de banc ! » On y croit, à cet avenir de finale à Saint-Denis, à ce sacre royal contre les flibustiers de La Rochelle. Sinon, on ne serait pas là, à cingler vers septentrion à la hauteur du Futuroscope. Une victoire à la Pyrrhus nous suffirait, du moment que cette saucisse de to lose, le khalife Mollah-melon, boive le calice. Tout sera bon, mon cochon ! On croise un TGV fonçant vers notre Occitanie, ce nom que ces cons de Toulousains et de Montpelliérains se sont appropriés alors qu'il appartient à tout le Sud de la France jusqu'au Val d'Aran et au Piémont italien ! C’est la vitesse de Santi Cordero, lancé « tel un petit taureau » (dixit Ced) vers la terre promise. Le monstre Tekori est déjà sur le flanc, langue pendante. « Il a peur de super Rémi », selon Domi. L’orage va s’abattre sur la pelouse du LOSC. Il viendra de Lescure, où le soleil se couche dans l’Atlantique derrière les dunes de la Côte d’Argent. Il y aura bourrasques d’Ouest plutôt que d’Autan. En emporte le vent des chambrages éculés de stadistes lourdingues. « Qu’il est loin mon pays, qu’il est loin. » J’espère à nouveau chanter ce vers de Nougaro à nos chers ennemis.
Nous passons la Loire, nous rapprochant de ce derby garonnais au pays des corons, devant seulement 5000 vociférateurs, pandémie oblige. Nous crierons deux fois plus fort, pour quatre, pour le plus gros public du continent, loin devant les autres, Ernest Wallon, Marcel Deflandre, sans parler de la petite Défense Arena (rien que le nom est amusant). Racigmen ou Rochelais, peu importe, on veut aller à l'offensive et jusqu’au bout, dix ans après l’accession surprise à Albi, nous allons faire le coup de l’outsider qui s’invite au festin. Ici, c'est la Touraine, pays de Gargantua, hantise du bac de français que mon fils passe en ce moment. Cadrage-débordement de la capitale par le sud et l’est, où nous reviendrons la semaine pro si tout se passe bien. Cédric finit son labeur hebdomadaire sur l’ordi et envoie des courriels à des collègues toulousains fanfarons. Il s’arrête, décrète le shutdown et replie le laptop. Masque chirurgical pendant à l’oreille, c’est l’heure du casse-croûte. Je pose mon crayon derrière l’autre oreille.
Veillée d'armes
On a pris du retard, de cinq, puis de dix minutes. « 5 % de remboursement, et 10 % supplémentaires » sont réclamés en rigolant. Mon comparse ne veut pas de mon panaché, « pas d’alcool avec cette chaleur », je crois rêver. On se fout de la tronche des Biarrots et des Agenais, mais pas de l’Aviron. On pourrait, pourtant ! « Mais on ne va pas faire nos Toulousains ! » Quelques plaisanteries, champs et éoliennes plus loin, Christophe, un pote du lycée, nous envoie ses encouragements : « Remind 91 ! » Lui aussi était au Parc des Princes de la Tortue. J’en suis à un litre et demi d’eau aux 500 kilomètres, je vais pisser et fumer deux tafs à Palaiseau. Cédric a prévu de la lecture, l’essentiel : le Midi olympique, l’Équipe, Sud Ouest et le Canard enchaîné. Mon bouquin va rester dans la valise. Domi devient lyrique sur le groupe WhatsApp « UBB rugby pour les initiés » et piaffe d’impatience à l’idée d’être tous les quatre au SDF dans une semaine.
L’Est parisien défile à 300 km/h sous le soleil rasant, le vert inonde le paysage, les arbres sont prêts à exploser en feuilles d’artifices. Contraste avec le gris sombre de la gare souterraine de Disneyland. Je suis « trempe » de sudation intense dans mon polo breton marine et blanc, Ced a tombé les chaussures, le wagon est désert. Des gosses avec le sac de Minnie ou les oreilles de Mickey jubilent sur le béton, accrochés aux basques de leurs géniteurs rincés. Le monde occidental d’après n’a pas changé du tout. Mais nous ne sommes pas venus pour philosopher, des nuages bourgeonnent là-bas-là-haut, ça va péter, c’est sûr. Roissy-CDG, trop de minutes d’arrêt. La gare est vide, comme un terminal pendant une nouvelle vague du virus. Cédric regarde le début de la première demi-finale sur son canal et puis ne le regarde plus. Ça beugue. Sur canal sport, les basketteuses tricolores, elles, ne pixélisent pas et enquillent les paniers. Moi, je m’en fous, j’attends 22 heures 18 pour fumer tout mon paquet sur le quai tourcoignien, ah ! déso, tourquennois. Ced lève le nez, voit des collines et s’écrie : « Regarde, des terrils ! C’est le ch’nord ! » N’importe quoi, c’est la Picardie du sud. « C’est toi qui es terril ! » J’ai fait mieux.
Premier accent ch’ti en prenant l’air qui s’adoucit devant la porte de la voiture 5 en gare TGV-Haute Picardie, entre Amiens et Saint-Quentin. Passage près de l’aérodrome intergalactique de Lesquin, la nuit tombe, l’ambiance aussi. Chez Pierre Mauroy, les Maritimes dominent le Racing Club de France devant des tribunes pour le moins clairsemées. Le jeune Marty est dans la tribune présidentielle, sans Doc ni sa DeLorean et sans pression. Dans un futur proche, ce sera un peu différent. À demain dans l’arène pour la guerre civile contre tous, Fédé et Ligue comprises ! Au putsch, les Damiers ! En attendant, nous autres sauvageons arrivons chez Darmanin, où nous sommes accueillis par quelques grosses gouttes d’orage à proximité. On mate la fin de la demie en scrutant l’i phone sur le quai, les voyageurs de notre Ouigo défilent, nous serons les derniers à quitter la gare. Le mec de la sécu se demande ce qu’on foutait, immobiles devant le train sans passagers. Un masque UBB dans le hall de l’hôtel, son porteur et Cédric se reconnaissent, on se dit bonsoir d’un air complice et goguenard. Nous sommes dans le quartier Saint-Christophe, à deux pas de l’église et du temple Auchan éponymes. Priez pour nous. La chambre 417 est tapissée de goodies à l’effigie du club. Une « thématique », selon Cédric. On est chez nous, voilà. Autre thème récurrent, pas de climatisation non plus dans l’Ibis. Bonne nuit, dieu de la gratitude et du savoir. Tout un programme. Après une douche fraîche, je m’endors devant l’Équipe TV qui analyse et moque l’Anglais manchot pousse-beuchigue, inapte à vaincre l’Écossais rebelle. Il est autour de minuit. Mon compagnon de chambrée veille quelques minutes supplémentaires. Le grand fou.
À suivre !