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Journal de citoyen bordelais déconfiné

Journal de citoyen bordelais déconfiné

Chronique d'humour parfois noir sur la crise de la Covid-19 (20, 21, 22...) et pour oublier la guerre nucléaire à nos portes


Petit journal de confinement d’un citoyen bordelais 

Publié le 17 Mars 2020, 12:00pm

Petit journal de confinement d’un citoyen bordelais 

S1 E1

Tout aurait commencé en décembre dernier du côté de Wuhan dans un marché d’animaux. Des Chinois ont pour habitude de manger des soupes de chauve-souris roussettes. Elles les auraient contaminés. Il est aussi question du pangolin, petit mammifère fourmilier écailleux dont certains sont friands. Un jour de 1986, Pierre Desproges s’est excusé de l’avoir décrit comme ressemblant « à un artichaut à l’envers prolongé d’une queue à la vue de laquelle on se prend à penser que le ridicule ne tue pas. » La pandémie du Covid 19 est-elle l’ultime vengeance du pangolin sur le genre humain ? Celle d’un serpent à plumes ? Certains accusent même, sans preuve irréfutable, la civette palmiste masquée !

À la télévision ou sur les réseaux sociaux, on en plaisantait, ne pensant pas que cette épidémie nous toucherait nous aussi. Et puis de nombreux cas sont apparus dans le nord de l’Italie, en Lombardie. Il y a désormais 3000 morts chez nos voisins transalpins, bientôt autant et davantage qu’en Chine. On rigole moins, tout d’un coup. Depuis quelques jours, le mot d’ordre est « restez chez vous » et partout, on lit « prenez soin de vous ». En France, le confinement ne débute qu’à midi en cet historique mardi 17 mars 2020. Pourtant, ce matin, pendant que le ministre des solidarités et de la santé répond aux questions angoissées des auditeurs sur Inter, on entend tellement bien les chants des oiseaux en ville que c’en est déjà inquiétant. Pas de cris d’enfants pendant la récréation, pas de voitures qui déboulent au coin de la rue ou de bruits de travaux alentour. Un calme inédit, singulier et saisissant. Une guerre sans fracas, sourde, torve.

Dimanche, beau jour printanier d’élection tronquée, il y avait foule à la plage. Il faisait plus de 20 degrés dans le sud-ouest. Après le déjeuner, mon fils a fait un grand tour de vélo. Le dernier avant un moment, je le craignais. Me doutant de l’issue inexorable des « consultations de scientifiques » par les autorités et de l’imminent enfermement, j’ai emmené dans l’après-midi mes enfants et mon chien pour passer quelques heures au bord de la mer. Nous avons croisé des files de bagnoles de citadins qui sont allés comme nous prendre l’air et le soleil sur notre côte sauvage à perte de vue, bravant la maladie qui rôde. Depuis lundi, les enfants n’ont plus classe, tous les établissements sont fermés « jusqu’à nouvel ordre ». Une nouvelle expression fait son apparition : la « continuité pédagogique ». Incantation académique, concept vague qui doit devenir une réalité tangible dès cette semaine pour des enseignants aussi déboussolés et isolés que leurs élèves. Il me faudra une attestation sur l’honneur chaque fois que j’irai promener mon chien. Je dois donc me signer des autorisations de sortie de mon territoire ! Les ados qui tournent déjà en rond joueront au badminton indoor en tutoyant mes bibelots ou se filmeront tentant des « challenges » improbables sur la terrasse. Nous ne nous ferons plus de bisous ou de câlins, pour échapper à l’ennemi invisible qui érige un rempart entre nos êtres du même sang. Ce sera frustrant et incongru. Le prix à payer pour ne pas mourir bêtement avant d’avoir vécu l’intégralité de sa vie théorique. En Chinois, le mot crise est composé de deux idéogrammes : l’un signifierait « danger », l’autre « occasion ». Soit. Il n’empêche, la peste soit des mangeurs de viande indécise !

FD

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